November 01, 2006
THE LOST SONATA / LA SONATE PERDUE
– did you get la zonate
– I got zonate l’amour insulate & sent message late this morning (but it came back the system does not recognize RF.com --
– as long as you got the sonate then all is well - it would be terrible if you had gotten a symphony --
– such a lovely production the high superdizzinging shot of manhattan washington square – a terrific confident reader friendly production
– not bad but -- there is always a but -- the Canadian publisher insisted that the name Sucette should be changed to Suzette because Sucette was too suggestively obscene for Canadian morality -- and I understand that they also changed some words to French Canadian from French French – I didn’t read the book – new books depress me
but it doesn't matter because my french publisher is bringing out the correct version in September -- we are already working on the cover -- here look at the photo we are going to put on the cover -- and of course Sucette Blowjob Lollypop is back in the story
– I am glad you too are depressed....if we can lay the lead apron upon each other maybe we'll
sink far enough down to breathe
– I do not however get depressed the American way -- I get depressed the old European way -- which means that my depression is steep in medieval tradition
– did you get the sonate d’amour – must have gotten lost
– where
– make an effort Ace and read this
probably the best and most correct reading ever written about le roman des nouilles – now called Quite ou Double
this is from AF
– Lettre pour mon ami RF
14 mai 2004
Bordel de trou du cul de merde ! impossible de t’écouter sur cette putain de machine. J’ai beau me connecter sur le site de France Culture, j’ai beau télécharger l’émission : quand je clique dessus, la machine me répond qu’elle ne trouve pas l’application ad hoc. La conne ! Veut m’empêcher de t’écouter. Mais il y a une chose qu’elle ne pourra jamais m’empêcher de faire, c’est de te lire !…
Mon ami RF, tu dois te dire que je ne t’écris plus et que je ne pense plus à toi. Erreur ! Je ne pense qu’à toi et à ton superbe livre (à tes superbes livres, je devrais dire) ! Je pense au petit jeune homme qui débarque un beau matin comme ça devant la statue des libertés. Il regarde devant lui (il essaie), pas derrière. Même si, à regarder devant, il ne se sent pas très à l’aise. Plutôt intimidant, l’Amérique, pour un qui débarque un beau matin comme ça. Mais n’a pas trop envie de regarder derrière lui, le petit immigrant, comme si derrière lui il n’y avait plus rien, sinon un vague et épouvantable cauchemar. Tout dans la petite valise, c’est-à-dire pas grand chose. Un immigrant c’est quelqu’un qui essaie de tout oublier et de repartir à zéro (de « commencer une nouvelle vie », comme on dit). Seulement devant donc. Même si devant y a pas mal de brouillard pour l’instant. Et puis il n’a pas envie de raconter sa vie, d’ailleurs il ne le pourrait pas, il n’a pas de langue pour ça. Même si les gens qu’il rencontre ne demandent que ça (ils aiment s’apitoyer, comme si c’était là un moyen d’acquitter la dette !). Fini ! Tout est dans la valise, c’est-à-dire vraiment pas grand chose : quelques souvenirs sans doute (les yeux tristes de sa mère) et surtout le français qu’il parle encore.
Mais le français pour l’instant c’est plutôt un handicap. Il aimerait mieux parler anglais et comprendre enfin ce que les gens disent autour de lui. Faut savoir parler anglais quand on est en Amérique, ne serait-ce que pour pouvoir demander où se trouvent les toilettes en cas de besoin. C’est la tâche prioritaire : apprendre l’anglais. Pas pour devenir un grand poète américain, ni un professeur de littérature comparée à la State University de Buffalo. Non, pour vivre tout simplement. Il faut savoir parler pour louer une chambre où il pourra dormir, et pour s’acheter quelques paquets de nouilles avec ou sans sauce tomate pour ne pas crever de faim. Pour survivre donc. Pour commencer à vivre vraiment, si c’est possible (même si vivre ne va pas s’avérer facile et s’il faut se lever tôt pour ça, putain de réveil !). Il n’a pas du tout envie de retourner dans sa ferme, ni de refaire le coup du train, ni de rentrer dans son placard. On préfère la vie aux souvenirs quand les souvenirs sont dégueulasses. On peut même dire que ce qui le sauve, c’est un violent instinct de vie, qui le fait bander de panière panique (dès la scène du métro, dont tu ne cesses de dire — et tu as raison de le dire — que c’est une scène très importante. « symboliquement la scène du métro représente le centre du récit », dis-tu p. 248).
Il est plutôt gonflé, le mangeur de nouilles de vouloir « cracher sa vie sur le papier… ». Le jeune homme qui débarque à New York, lui, il ne pourrait pas. Il faut que ce soit un autre (même si , en définitive, c’est le même). Mais on a beau rigoler, jouer avec la typo et faire de jolis dessins sur la page, écrire, c’est prendre un sacré risque : celui de donner sens aux choses, qu’on le veuille ou non, alors que c’est toujours le sens qui fait mal. Voyez les chats : quand ils ont mal, ils se contentent d’avoir mal (c’est déjà assez) sans en rajouter. Un chat a peut-être conscience qu’il a mal, non qu’il est malheureux. C’est pourquoi jamais il n’est venue l’idée à un chat de raconter sa vie, même mensongèrement. Nous, ce n’est pas pareil : « to think is to suffer » ou « to suffer is to think »).
On comprend donc qu’il s’y reprenne à deux fois (à mille fois), le mangeur de nouilles, avant de tenter l’entreprise ! et qu’à tout moment il ait envie de crier pouce et de tout arrêter. La trouille, quoi, parce que c’est quitte ou double…Alors, plutôt que de s’y mettre une bonne fois et de commencer vraiment, le narrateur compte ses paquets de nouilles, refait inlassablement ses additions. Complètement obsessionnel jusqu’à s’y perdre… Cette muraille de paquets de nouilles pour le protéger de l’insupportable réalité !… Manière de reculer indéfiniment le moment d’écrire et d’affronter le réel dans l’écriture.
Mais à force de reculer le moment d’écrire, le livre s’écrit bel et bien. C’est ça le miracle. Il n’est besoin que de se reporter au Sommaire du discours pour se rendre compte de tout ce qui a été dit, de tous les sujets qui ont été traités, ou seulement (mais c’est déjà pas si mal) abordés. Pas n’importe quel livre. Pas n’importe quel roman. Pas un roman à la con comme font les gens d’habitude. Pas un livre qui prétendrait reproduire la réalité telle qu’ils prétendent qu’elle est (comme s’ils le savaient eux-mêmes !…) et donner des réponses, mais plutôt qui s’efforcerait de poser des questions. Même si certaines questions ne peuvent recevoir de réponse satisfaisante. Même si certaines questions sont si épouvantables qu’elles n’admettent aucune réponse. Il y a dans ton livres des trous qui sont vachement impressionnants, comme par exemple ces pages qui ici ou là échappent à la pagination… De toute façon, ni les réponses ni les questions n’existent dans la nature, il faut que l’écriture les invente.
Tu dois te dire que je suis con de te raconter tout ça. Tu le sais et bien mieux que moi, c’est quand même toi qui a fait le livre. Tout ce que je pourrais t’en dire ne sera jamais aussi beau que lui. Je devrais me limiter à mon rôle de lecteur et te dire (même si c’est difficile à dire clairement) ce que j’ai ressenti en le lisant et pourquoi je le trouve si beau… Oui, un livre pas comme les autres ! à la fois drôle et terrible, et auquel on s’attache énormément. Un livre à la fois très fort et pas chiant, il faut le faire à notre époque !
C’est qu’on apprend facilement, avec toi, à lire dans tous les sens et à plusieurs voix. Up and down, à droite, à gauche, en diagonale, en rond et en carré !… Il y a une seule page où j’ai failli caler : c’est celle où le texte est imprimé à l’envers. Une page entière ! Je me suis dit : il faudrait que je prenne un miroir pour le lire, mais ça serait trop compliqué. Alors j’ai eu envie de laisser tomber, en douce, sans rien dire à personne. Tu sais ce que c’est, on est fainéant parfois. Et qui l’aurait su ? Je n’aurais pas été obligé de crier sur tous les toits que j’avais calé sur une page de R (la honte !). Puis je me suis dit non, y a pas de raison, A faut t’y mettre. Après tout, t’as tout le temps. Alors j’ai commencé. Par le bas et de droite à gauche, chaque lettre l’une après l’autre, sans me presser, cool… Ah ! l’expérience !… Incroyable !… 60 ans en arrière, comme lorsque j’apprenais à lire… J’étais pas très vieux, à l’époque et l’institutrice s’appelait madame Pointal. Si je m’en souviens ! Elle était belle, tu peux pas savoir ! Et gentille !… On se sentait en confiance avec elle… Ma grand-mère avait d’abord essayé de m’apprendre à lire mais ça n’avait jamais marché. « Tu m’apprends toujours des choses que j’sais pas », que je lui reprochais. Madame Pointal, elle a su tout de suite comment s’y prendre. Par la douceur. J’aime bien qu’on me prenne par la douceur de temps en temps. Alors j’ai peu à peu reconnu les lettres, et parfois les lettres se mettaient ensemble comme il faut. Pas toujours facile. Par exemple EAU, ça ne se prononce pas E, ni A, ni U, comme c’est curieux ! mais O… Le plus beau c’était quand, d’un seul coup, à travers le fouillis des lettres, un mot surgissait tout entier et bien reconnaissable !… Eh bien c’est exactement ce qui m’est arrivé quand j’ai lu la page 187 de ton livre, de droite à gauche et de bas en haut, et quand je suis arrivé en haut et à gauche, j’avais appris à lire ! Je suis sûr que madame Pointal aurait été contente de moi.
Oui, il faudrait pouvoir t’expliquer pourquoi j’ai éprouvé tant de plaisir à te lire. Une grande partie de mon plaisir vient peut-être de l’admirable ressassement des mêmes scènes (selon des versions différentes, tous les angles de vue, tous les possibles, vrais ou imaginaires, tous vrais en fait). Tu poses la question pour le chewing-gum, ça vaut aussi pour le bouquin : « Combien de temps pouvez-vous mâcher le même morceau avant que ça devienne de l’élastique à l’intérieur de votre bouche ? » (j’ai noté le numéro de la page : 261). Longtemps certainement. J’aurai beau mâcher ton livre à longueur de journée, jamais il ne deviendra caoutchouteux. Arrivé à la fin du livre, le lecteur n’est pas encore lassé. Il en demanderait encore ! Pour un peu, il te demanderait d’écrire Amer Eldorado, et La fourrure de ma tante Rachel, et Mon corps en 9 parties, et plein de poèmes comme ceux qu’on peut lire dans Future concentration (ce titre qui résume de façon si saisissante le livre sur les nouilles !)
Ceux qui ne comprennent jamais rien diront : toutes ces divergences entre les différentes versions d’une même vie, où est la vérité, là-dedans ? La vérité ! La vérité ne peut venir qu’après l’écriture, pas avant. Avant, il n’y a que le réel, qui est très dur et incompréhensible. J’aime bien quand tu écris (je trouve ça très éclairant), p. 227 : « C’est essentiel pour l’histoire. La recherche d’identité. Un jeune homme d’environ 19 ans. Tout seul. Un Français. Un juif. Un jeune-immigré-juif-français-tout-seul c’est ce qu’il est. Cinq éléments essentiels en une seule personne : solitude jeunesse race nationalité et statut. Comment pouvez-vous trouver votre identité avec une histoire aussi complexe que celle-là ? Comment établir des relations avec les autres ? Comment se lier aux autres ?» Les gens croient bêtement que JE est donné dès le départ et qu’il n’a plus qu’à poursuivre son existence comme ça de façon linéaire. N’ont rien compris. D’autant plus que celui qui est censé raconter l’histoire ne peut pas être entièrement confondu avec son protagoniste. Celui qui écrit n’est plus tout à fait, il n’est pas encore le même que celui qu’il essaie de représenter. Il ne faut donc pas dire JE mais plutôt NOUS. C’est itou pour la fille du métro, p. 228 : « Marcher tout seul dans les rues en suivant une fille avec un cul énorme. Une négresse en plus. Une belle et jeune fille noire américaine. Ce sont les cinq éléments constitutifs d’une personne : jeunesse, beauté, sexe, race ou couleur, nationalité. » Est-ce qu’un même et seul nom suffit à résumer une personne ? Est-ce qu’un seul récit permet de donner sens à la réalité ?
Tout se passe comme si ton livre avait été écrit pour que soit finalement possible ce moi-nous qui naît du ventre de l’Amérique. Comme si par l’écriture moi-nous s’était donné naissance à lui-même, enfin. Et que le problème était d’atteindre ce moment (asymptotique, comme disent les mathématiciens) où les différents personnages coïncident. Mais il faut toujours recommencer. C’est inévitable. C’est ça une vie d’écrivain. Toujours recommencer.
– get your french dictionary
– forget the French dicko – I did an English version for you – ignore the usual typos – my spelling is going down the drain as fast as my hair
– letter to ma friend RF
May 15, 2004
Damn asshole shit! Impossible to listen on this fucking machine. I keep trying to connect the France-Culture site, I keep trying to download the program, but when I click, the machine tells me that it cannot find the ad hoc application. Sonofabitch. Wants to prevent me from listening to you. But there is one thing this fucking machine cannot prevent me from doing, that’s to read you!
My dear RF, you must be saying to yourself that I don’t write you any more and that I don’t think of you. Error! I only think about you and at your superb book [all your superb books, I should say]! I think about the young man who lands one of these beautiful mornings just like that before the statue of liberties.
He looks in front of him [tries], not behind. Even if look forward makes him uneasy. Rather intimidating, America, for someone who just got off the boat just like that one morning. But he doesn’t feel like looking backward, the little immigrant, as if behind him there is nothing, nothing any more, if only a vague horrible nightmare.
Nothing. Except what’s in his little suitcase [with the cord tied around it]. Not much, in other words. An immigrant, it’s someone who tries to forget et to start again from zero [to begin a new life, as it is said]. Even if in front there quite a thick fog right now. And besides, he does not feel like telling the story of his life. And even if he tried, he couldn’t do it. He has no tongue, no language for that. Even if the people he meets ask only for that. His story. [They like to feel sorry, as if it were a way to acquit themselves from some debt!]
Finished! Everything is in the suitcase. That is to say, no much: a few old souvenirs no doubt [the sad dark eyes of his mother], and especially the French language that he still speaks.
But the French Language for the moment is rather a handicap. He would prefer to speak English, and understand once and for all what the people are saying around him. One must know English when one is in America, if only to be able to ask where the toilets are inc case of need. That’s the priority: to learn English.
Not to become a famous American poet, nor a distinguished professor of comparative literature in some fancy university. Non, learn English in order simply to live, to exist. To survive. One must be able to talk the language to rent a room where he’ll be able to sleep, and buy himself a few boxes of noodles, with or without tomato sauce, in order not to starve. Yes, to survive. To begin living for real, if possible [even if living proves not to be easy, and one must get up early in the morning to try and find a job. Fucking alarm clock!]
He doesn’t want to go back to the farm, or do the train thing again, nor re-enter his closet. One prefers a life of souvenirs even when the souvenirs are repulsive. One could even say that what saves him, it’s the violent instinct of life, that gives him am enormous panicked hard-on [as soon as the subway scene begins – of which you keep saying – and you are right to say it – that it is a very important scene. Symbolically the subway scene represents the center of the discourse, you say page 248.
He’s got guts, the noodle eaters, the noodle, to want to spit is life on paper ...The young man who lands in Nouillorque, is incapable of doing that. Someone else has to do it [even if, in fact, it’s the same person]. But one can laugh, amuse oneself with the typo, make lovely little designs on the page, nonetheless, to write is to a sacred risk: the risk of giving meaning to things, whether one wants to or not, whereas it is always meaning that hurts.
Take cats for example. When they hurt, they simply content themselves to be hurting [that already enough] without adding anything to the pain. A cat may be conscious that it hurts, but not conscious of being unhappy. That is why it never came to the mind of a cat to tell his life story, even full of lies. For us, it’s not the same: To think is to suffer or To suffer is to think.
One understand therefore the eater of noodles must start again and again [a thousand times], before attempting the undertaking ahead, when at each moment he feels like shouting I give up, and stop everything. The fear, yes, because it’s double or nothing
... And so, rather than getting to it and starting for good, the storyteller counts his boxes of noodles, and go over his lists and his additions over and over again totally obsessed with his noodles to the point of get lost in his own calculations, the storyteller builds a fortress of noodles boxes to protect him from the unbearable reality. A way of postponing indefinitely the moment of writing and confront the reality of the writing.
But in spite of this constant pushing away the moment of writing, the book writes itself. That’s the miracle. One only has to look at the Summary of the Discourse to discover everything that has been written, all the topics that have been treated, or just [but that’s not bad] merely touched upon. This is not just any book. Not any novel. Not one of those dumb novels people usually write. Not a book that pretends to reproduce reality the way they pretend it is [as if they really knew!] ... and give answers, but rather a book that attempts to ask questions. Even is some of the questions cannot receive
satisfactory answers. Even is certain of the questions are so frightening they cannot admit any answer. There are very impressive holes in this book, for instance in the pages here and there that escape pagination. In any case, neither answers nor questions exist in nature. Writing invents them.
You must be saying to yourself, that I am stupid to tell you all that. You know it so much better than I. You wrote the book. All I can tell you will never be as beautiful as the book. I should limit myself to the role of a reader, and tell you [even if it’s difficult to say it clearly] what I felt reading it, and why I find it so beautiful. Yes, a book not like the others! At the same time funny and terrible, towards which one feel a profound attachment. A book at the same time strong and not boring. One must have the guts to write this kind of book in our time.
Reading you one learns easily to read in all the direction and with several voices. Up and down, to the right, to the left, in diagonal, in circle and in square!
There is only one page where I almost gave up. That’s the page where the text is written backward. A whole page. I told myself, I suppose I have to use a mirror to read it, but that would be too complicated. So I felt like skipping that page, quietly, without telling any one. You know how it is. One is lazy sometime. Nobody would have known that I skipped that page. I wouldn’t have had to shout it on the roofs that I had been stuck on one of RF’s pages [shame!]
Then I said to myself, non, no reason, AF, you have to get to it. Read the damn page. After all you have all the time in the world. So I started. At the bottom of the page, from right to left [against the grain, one might say] reading each letter one after another, slowly, cool....
Ah! what an experience! Unbelievable! I had jumped 60 years back in time, like when I was learning to read. I was still very young then, and the teacher’s was Madame Pontal. If I remember correctly. You can’t imagine how beautiful she was. And so kind. One felt confident with her. My grand-mother had tried already to teach me how to read, but it didn’t work. You always teach me things I don’t know, I would reproach her. Madame Pontal knew immediately how to do it. With kindness. I like to be taken gently from time to time. So little by little I started recognizing letters, and sometimes the letters would get together the right way. Not always easy. For instance EAU, it’s
not pronounced E, nor A, nor U. How curious! But O ... The best was when suddenly in all this pile o letters, a word would appear, a complete recognizable word ... Well, it’s exactly what happened when I read page 187 of your book, from right to left, from bottom to top, and when I arrived at the top of the page, all the way to the left, I had learned to read! I am sure that Madame Pontal would have been happy for me.
Yes, one should try to explain why I felt such pleasure reading your book. A great part of my pleasure comes perhaps from the admirable harking back to the same scenes [ according to different versions, all the possible point of views, real or imaginary, all true in fact]. Concerning chewing-gun, you ask, and that’s is true for the entire book: how long can you chew the same piece of gun before it feels like a piece of rubber band in your mouth [I noted the page number, 261]. A long time I suppose. I could chew your book for days and days, it will never become like rubber. When the reader comes to the end of the book, he wants more. He asks for more. He almost asks you to now write Amer Eldorado, Aunt Rachel’s Fur, My Body in Nine Parts, and all kinds of poems, like those that can be read in Future Concentration [a title that sums up in a gripping fashion the noodle novel]!
Those who never understand anything will say: all this divergences between the different versions of the same life, where is the truth in all this? The truth! Truth can only come after it has been written, not before. Before, there is only the real, which is tough and incomprehensible. I like when you write [I find that very enlightening].
Page 227: The essential of the story. The search for identity. A young man about 19 years old. All alone. A Frenchman. A Jew. A young-French -Jewish-immigrant-all-alone. That’s what he is. Five essential elements in one person: solitude, youth, race, nationality, status. How can one find one’s identity in such a complex story? How to establish relations with others? How to become connected to others? People stupidly think that the I is given at the beginning, and I only has to follow his existence, his destiny just like that in a linear fashion. Those who read like that have understood nothing. Especially since the one who tells the story [the teller] cannot be entirely confused with the one whose story is told [the protagonist] The one who write is no longer, or rather if not yet the same as the one he is trying to represent. One should not say I, but rather US. Same thing for the girl in the subway, page 228: To walk alone in the street following a young girl with an enormous ass. A black. A beautiful young black American girl with a beautiful ass. These are the five elements that constitute this person: youth, beauty, sex, race, nationality. Does a name suffice to sum up a person? Can a story give meaning to reality?
Everything happens as if your book has been written in order to make possible this moi-nous that is born in the belly of America. As through the writing moi-nous gave himself birth, at last. And the problem was to reach this moment [asymptotic, as the mathematicians say] when the different characters coincide. But one must always start all over again. That’s inevitable. That what a writer’s life is. Always recommencing.
– la mer la mère toujours recommencée
– the only clear good exceptional thing is AF’s birthday letter to you this is the kind of rare "authority" I have been waiting for while trying to become it myself it is one very lovely "letter" just to say that i feel the thrill scooting about the bowels
– this kind of letter can only come from a real writer and AF is a real writer -- a bit younger than us but he has gone through the depressions
met him recently -- but years ago I published stuff in his tarte à la crème magazine spelled tartalacreme – the best there was - very avant-garde
– (as it were!
this is what you may never directly say about yr book(work)
AF has voiced the voiceless one who is forever speaking
– whatever that means
– I must say more, but this for now! Unsere Geburtstag muss es sein endlich
– oh yes say more -- write a whole book about it
– which book
- the book you were destined to write the day you set eyes on RF
– a memorable day which I cannot recall so depressed am I
– here too superdepressed
– must be normal on our birthday
7 + 3 = 10 --- the 0 drops out - that means you're in the year 1 of your life
start all over again
7 + 6 = 13 -- 1+ 3 = 4 -- according to the kabbalah my number is 4 - I have finally reached my destiny
happy birthday brother
and may the stars shine upon us
did you get the sonate d’amour
– this is more than recognition
-- this is IT
what do I do now
– lettre à AF
15 mai 2004
Bordel de bordel ce coup-ci AF tu m'as mis les larmes aux yeux. Enfin quelqu'un qui sait lire. Mais c'est à cause de la gentille et belle [et sans doute sexy] institutrice Madame Pontal.
Ah si seulement j'avais eu une institutrice comme Madame Pontal pour m'apprendre a bien écrire. J'ai dû apprendre tout seul - surtout la langue anglaise.
Je me souviens maintenant la raison pour laquelle [il y a de cela presque 40 ans – j'étais encore jeune et un peu con] j'ai écrit Double or Nothing [maintenant Quite ou Double]. C'était pour apprendre à écrire – mais aussi pour apprendre à lire.
Tu sais peut-être pas ça, mais c'est à Paris, le 1er octobre 1966, dans la cuisine d'une petit appartement crado à Vanves, à 10h du soir, que j'ai commencé à écrire Double or Nothing.
On passait l'année en France. On été pauvre. La fondation Guggenheim m'avait donné une bourse [plutôt maigre] pour passer un an en France et écrire un gros livre critique sur les nouveaux courants de la poésie française. Je n'ai pas trouvé de nouveaux courants, alors je me suis dit, tiens si au lieu de chercher les nouveaux courants de la poésie française, j'écrivais l'histoire de ma vie. Mais ma vie était si pleine de trou que finalement quand j'ai fini de l'écrire c'était comme toi tu as si bien vu. Un bouquin plein de trous.
Alain j'ai été profondément touché par ta lecture de mon livre - et surtout l'effort que tu as fait à la page 187. Je me demande combien de lecteurs de ce livre - qui traîne depuis plus de 30 ans sur les étagères des bibliothèques - on fait cet effort. T'es formidable.
Tu sais je crois que c'est mieux que tu n'aies pas entendu l'émission de France-Cul. C'était pas mal, mais finalement les discutants discutaient le livre comme s'ils l'avaient inventé. Ils semblaient étonné que quelqu'un puisse écrire comme ça. Ils on pas compris que c'est le seul moyen d'écrire une histoire comme celle-la.
Toi t'as tout de suite remarqué la valise. La Statue de la Liberté. L'entre-cuisse de la belle négresse dans le métro. Le brouillard.
Toi tu as compris qu'un être humain c'est plus que son nom.
Toi t'as lu le sommaire du discours.
Toi t'as compris qu'écrire comme ça c'est prendre un risque.
Toi t'as compris que pour être écrivain il faut toujours recommencer.
La mer la mer toujours recommencée
Les discutants sur la radio eux ils voulaient seulement parler de l'histoire triste du pauvre gars qui n'arrive pas a raconter son histoire parce quelle est pas racontable. Pas un mot sur l'écriture. Sur la bagarre avec les mots. Eux ils voulaient de la réalité.
Mais la réalité – mon cher Alain – comme tu sais bien – c'est un désenchantement – moi pour te dire la vérité la réalité m'emmerde - j'y vais de temps en temps parce qu'on peut pas l'éviter - mais je voudrais pas y vivre en permanence.
Bon je sais pas si tu as lu les articles dans Le Monde dans L'Humanité dans Libération dans Les Inrocks etc. C'était bien ce que disaient ces articles. Mais c'était pas ça.
Toi tas pigé tout de suite. Comment te remercier.
J'ai imprimé ta lettre. Je l'ai mise dans un dossier à part. Est-ce que je peu la faire voir a mes copains.
Tu devrais la faire publier.
J'ai une idée.
CP vient de m'écrire pour me dire que la revue Fusées va faire un dossier RF d'une trentaine de pages dans leur numéro 9 qui sortira au mois de mai 2005. Donne ta lettre à CP pour ce dossier.
Le numéro 8 doit sortir bientôt. Dossier Tartalacrème.
Tu viens de me faire le plus beau cadeau que j'ai eu pour mon anniversaire -- demain. Oui le 15 mai 2004 RF aura 76 berges. Merde ça fait mal.
Et toi ça va.
– Ah! comme je suis content que tu aies aimé ce que je t'ai dit sur ton livre ! Alors c'est bien ça ? Je t'ai bien compris ? L'amitié, c'est ça, ça consiste à se comprendre. Ton idée de publier ma lettre dans Fusées me semble une excellente idée. Je vais donc contacter CP et MP. Je pense que ça ne fera pas problème. Il faut que les gens sachent que j'aime ton livre. C'est pourquoi tu peux aussi montrer ma lettre aux copains.
Mais avant de le faire (je viens de me relire) tu pourrais peut-être corriger une phrase qui n'est pas claire. C'est dans le 5e paragraphe. "On comprend donc qu'on s'y reprenne à deux fois, le mangeur de nouille..." ça veut rien dire (j'étais ému en écrivant...). Il faut : "On comprend donc qu'il s'y prenne..." et ensuite : "et qu'à tout moment il ait envie de crier;..". Tu veux bien corriger ?
– oui l'amitié c'est de se comprendre même quand on se dit rien
attends que tu lises bientôt Le Crépuscule des Clochards qui sort chez YJ
un livre sur l'amitié que j'ai écrit avec Ace [que personne ne connait]. Très belle traduction. tu verras de NM
Parlant de traduction. Tu sais dans tous les papelards et discussions autour de Quitte ou Double -- pas un mot sur le superbe travail de traduction que EG a fait. Finalement c'est quand même son français qu'on lit -- mais qui a vraiment attrapé la voix [ou les voix] de l’original
Dis dans ta lettre pour RF tu pourrais pas [avant de la passer a CP -- je lui en ai déjà parlé] ajouter une petite phrase quelque part sur la beauté et l’intelligence de la traduction de EG -- merci
les corrections que tu demandes sont faites
maintenant je vais assumer le fardeau de mes 76 qui me tombent dessus aujourd'hui Ma fille m'a acheté une paire de savates toute neuves
– Oui, bon anniversaire, RF ! Tout obsédé que j'étais par ton Quite
ou double, j'en avais oublié de célébrer tes 76 piges. Tu sais que tu es
maintenant un grand garçon, R !
Tu as entièrement raison en ce qui concerne l'admirable travail d'EG.. Sa traduction est si parfaite qu'on en oublie que le texte est traduit et que c'est bien ta voix à toi que l'on entend. Il faudra évidemment le dire. Comme il faudra dire un mot également du superbe travail éditorial de LC
Mais si le dossier R est prévu pour 2005, nous avons tout le temps, et il ne me sera pas difficile, le moment venu, de revoir un peu mon texte, de corriger mes fautes et de combler quelques lacunes. Je l'ai déjà envoyé tel quel à l'ami CP, pour prendre date et retenir ma place...
– oui EG a fait un boulot monstre -- c'est évident -- et c'est AL chez AD qui a retypographié le livre comme l'original -- travail monstre aussi
oui retiens ta place [place principale] chez CP pour le dossier RF
– has AF read Ma Tante?
how do you feel the day after
I feel a tad better
– me still shitty
I'm gonna ask AF for a letter concerning the fur and I send it to you when it arrives
– mon cocain CHAMBERS avec qui je correspond depuis plus de 25 ans [2000 lettres sans compter les amollais] et avec qui j'ai écrit un livre marrant que tu liras bientôt - Le Crépuscule Des Clochards [qui doit sortir d'une jour à l'autre d'après YJ] eh bien GC que j'appelle toujours Ace à qui j'ai envoyé ta lettre sur les nouilles me dit de te demander maintenant d'écrire une lettre sur la fourrure de ma tante Rachel
Ace collectionne tout ce que RF fait et tout ce qui est dit de RF
Ace habite à Peoria Illinois
une fois quand j'habitais à Buffalo où je me gelais le cul dans les neiges j'ai dit à Ace tu sais il se peut que je mourrai à Buffalo -- dans l'aisselle de l'Amérique
Ace a répondu c'est rien ça – imagine mourir à Peoria dans le trou du cul de l'Amérique
oh je devrais te dire que Ace et moi on a le même birthday - 15 mai - mais lui il a seulement 73 berges mais il est vachement plus gros que moi et vachement plus intelligent
et aussi on a la même pointure de chaussure
je sais parce qu’une fois quand Ace est venu me voir dans mon country club de golf à Bafouille et m'a challengé a un match de golf pour du fric je lui ai prêté une paire de mes godasses de golf [j'en est une douzaine] et c’est alors qu’on a découvert qu'on avait la même pointure de chaussure
et plus tard quand nous faisions les clochards on a découvert qu'on partage la même ombre et même
et tu vas pas croire ça -- on avait qu’une seule paire de chaussette pour tous les deux ce jour-là
alors depuis notre première rencontre on porte chacun une seule chaussette qu'on lave une fois par semaine
ce qu'on a pas ensemble c'est notre origine ethnique – ce qu'on appelle communément religion -- moi je suis un petit youpin athée – lui c'est un Mic Wasp agnostique
c'est pour ça qu'on s'entends si bien nous deux vieux taureaux du 15 mai
bon tu vois ce que Ace veux de toi -- encore une lettre de ta lecture de la fourrure qui va nous faire plaisir ensemble
allez au boulot -- t'as jusqu'à demain matin 8h
bon courage
et saute pas des passages
et t'excite pas quand la tante Rachel se fout a poil
ton copain qui t'admire et te respecte
Clochard numéro 2
Ace est numéro 1
– ok this is the request I sent AF
take out your dictionary
– are you still depressed
– me still in a deep medieval way
-- good -- what is the deep medieval tradition of depression
it lifted yesterday now is returned fill force
full force
"RF" is temporarily moribund
I like how you break up AF's long paragraphs to squeeze the juice out
a terrifically "willed" piece of writing
when I undepress io'sssay mo(re
what will you do if I die before you do?? think of or
even better what will I do if I die before you
– I get everything you got including all the RF Archives in Peoria
– I got zonate l’amour insulate & sent the message late this morning (but it cam back the system does not recognize mounou.aol.com & noted the credit dear ray give ace for another undeserved act! (or did I suggest sonta? it may sound a bit like soft GSS
– as long as you got the zonate then all is well - it would be terrible if you had gotten a symphony -- moinous is spelled with an I nor a u --
have you started your senility
– I told you - I do not get depressed the American way – I get depressed the old European way -- steep in medieval tradition
when I am depressed I always recite these lines from St. Augustine
do not despair one of the thieves was saved
do not presume one of the thieves was fucked
– the only clear good exceptional thing is AF(!)'s birthday letter to you this is the kind of rare "authority" I have been waiting for while trying to become it myself it is one very lovely "letter" just to say that I feel the thrill scooting about the bowels
– this kind of letter can only come from a real writer and Af is a real writer -- a bit younger than us but he has gone through the depressions
met him recently -- but years ago I published stuff in his magazine tartalacreme -- the best of the time -- very avant-avant-garde
– (as it were!
this is what you may never directly say about yr book(work)
AF has voiced the voiceless one who is forever speaking
– whatever that means
– I must say more, but this for now! Unsere Geburtstag muss es sein endlich
– oh yes say more - write a whole book about it
– did you get the zonate l’amour
I got zonate l’amour insulate & sent the message late this morning (but it came back the system does not recognize mounou.aol.com & noted the credit dear RF give Ace for another undeserved act! (or did I suggest Sonta? it may sound a bit like soft G
– as long as you got the zonate then all is well - it would be terrible if you had gotten a symphony
– many danks
did you like AF’s reading backward passage?
I mean the big thing in AF is his present capacity to play
he understands you deeply as another kid in the sandbox
with some spectacular toys
– and he has not even read Loose Shoes – the sandbox you wrote for me in that book so I could go play in it
he got it by intuition
tells you how smart the guy is